Revue de presse - Libération du 9 avril 2024

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Revue de presse - Libération du 9 avril 2024

Dans LIBÉRATION du 09 avril 2024, le Directeur général de L’APHP, Mr François CREMIEUX, rappelle dans un article un certain nombre de réalités que nous vivons  au quotidien : https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/non-les-cliniques-privees-ne-sont-victimes-daucun-complot-punitif-et-se-portent-plutot-bien-20240409_Z3MBZIHOB5HDHKINUERJLENIOE/?redirected=1
    
« Le tableau noir de la situation financière des cliniques est aussi en contradiction avec deux réalités. La première est la perception des équipes de l’hôpital public. Autour de l’AP-HM par exemple, la plupart des cliniques privées semblent être pour le moins en bonne forme financière, attirant les médecins formés au CHU avec des salaires plus élevés.

Ce qui est vrai des médecins l’est aussi d’autres métiers comme les manipulateurs de radiologie, indispensables pour les examens d’imagerie ou les infirmiers de bloc opératoire que le secteur privé débauche. Les cliniques ne paraissent à personne au bord de l’asphyxie financière.

Il est un autre indicateur qui ne trompe pas sur la santé financière des cliniques privées françaises : elles attisent l’envie des investisseurs de tous bords et des fonds de pension étrangers en particulier. Seul coté en Bourse, le groupe Ramsay est donc aussi l’un des rares à faire preuve de transparence sur ses résultats financiers. Son bilan publié à fin décembre 2023 annonce un chiffre d’affaires en forte progression, un bénéfice avant impôt élevé, et la société évoque une marge seulement « érodée » par l’inflation, loin de la dramaturgie financière du patron des cliniques.


Limiter la rentabilité excessive des cliniques privées :

Plus globalement, dans son dernier rapport annuel au Parlement, l’assurance maladie consacre un chapitre aux enjeux de la financiarisation de notre système de santé qu’elle définit comme le rachat des cliniques privées par des groupes financiers avec pour finalité première la rémunération du capital investi. Le rapport analyse les raisons principales de ce mouvement : des retours sur investissements élevés dans le secteur très lucratif des cliniques avec en prime une garantie de long terme grâce à la sécurité sociale.

Le rapport détaille aussi les mécanismes financiers sophistiqués mis en œuvre par les cliniques avec leurs maisons mères pour maximiser la rémunération du capital investi. Limiter la rentabilité excessive des cliniques privées avec des tarifs raisonnables et adaptés aux enjeux de santé publique comme le fait le gouvernement est donc loin d’être une mesure punitive. Elle est pertinente sur le plan économique dans un contexte de tension des finances publiques et salvatrices en réfrénant l’intérêt des fonds de pension à tisser leur toile dans notre système de santé.

A Marseille, peut-être plus qu’ailleurs, nous observons quotidiennement l’écart de richesse entre le secteur privé et l’hôpital public et plus que jamais, nous mesurons aussi l’impact délétère sur l’efficience globale de notre système de santé de certaines cliniques poussées par leurs actionnaires ou leurs investisseurs à gagner toujours plus. Notre système de santé dans son ensemble gagnera à une meilleure régulation du secteur privé, les équipes médicales et soignantes des cliniques les premières et les patients qui leur font confiance aussi »

Ce à quoi réponds dans le même journal LIBÉRATION du 13 avril 2024, le président de la Fédération de l’hospitalisation privée Mr lamine GHARBI  https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/la-financiarisation-des-cliniques-et-des-hopitaux-prives-un-fantasme-20240413_3IDWF2QLSBH6POOKXZMY27LUCY/

« Chacun connaît les récentes annonces politiques : des tarifs différenciés – quatorze fois supérieurs pour les établissements de médecine, chirurgie et obstétrique publics, et trois fois supérieurs pour les établissements de soins médicaux et de réadaptation publics – témoignant d’une discrimination assumée et décomplexée à l’égard du secteur de l’hospitalisation privée, en total décalage avec les missions de service public que celui-ci accomplit …


Un État surendetté :

La réalité est que la situation de notre pays aujourd’hui est celle d’un État surendetté qui tente d’enrayer la charge de la dette, et qui entraîne la santé comme d’autres secteurs dans des trajectoires financières déclinantes. Face à cela, ce qu’on appelle « financiarisation » ne se réfère à rien d’autre qu’à des investissements privés indispensables pour venir moderniser l’offre de soins, maintenir la présence territoriale, et soutenir l’innovation médicale et technologique indispensable pour toujours mieux soigner.

Dans ce contexte, et sous réserve de délaisser les postures sectaires, on conviendra que le risque principal pour notre secteur de l’hospitalisation privée, et au-delà pour le système de santé, n’est pas la « financiarisation », et toutes les divagations autour de ce terme. Le risque, c’est le retrait de l’investissement privé, dans un cadre déjà fragile, caractérisé par des ressources insuffisantes de l’État dans un contexte d’inflation et l’absence chronique de vision pluriannuelle en santé.

Cet enjeu de l’investissement dans le secteur de la santé et des besoins de financement des offreurs de soin, alors que des innovations majeures sont à notre porte, dépasse largement les acteurs privés. Il nous concerne tous, et engage notre responsabilité collective pour continuer à proposer des services et des soins d’excellence aux populations. Ouvrons donc plutôt aujourd’hui un débat plus fructueux, celui de la « responsabilité innovationnelle » !

Une chose est certaine, les femmes et les hommes de l’hospitalisation privée, avec le soutien des médecins libéraux, sont déterminés aujourd’hui à refuser les anathèmes et à renouer avec le respect et la reconnaissance. L’arrêt d’activité décidé et programmé pour le 3 juin vise à défendre nos missions et l’accès aux soins des patients, et cela laisse loin derrière les arguties dogmatiques ».

Commentaires : Au-delà de la controverse, il nous semble important, à nous, praticiens du service public, de rappeler à Mr GHARBI, que si les investissements des cliniques sont privés, la dépense des cliniques est publique et solvabilisé avec de l’argent public. Les syndicats dits « libéraux » ont décidé de ne plus participer aux négociations conventionnelles avec la Sécu et ce, non pas pour défendre le revenu personnel des professionnels mais pour défendre les profits des cliniques commerciales qui protestent contre l'insuffisance de la progression de leurs tarifs de 0.3% contre 4.3% pour les hôpitaux publics et les ESPIC. Cette différence de taux résulte de l'application de l'absurde régulation comptable par péréquation volume /prix (quand l'activité augmente les tarifs baissent) qui pénalisa les hôpitaux publics de 2010 à 2018 inclus (sans protestation à l'époque des mêmes syndicats « libéraux »).

Les médecins et chirurgiens libéraux de ces cliniques sont appelés par ces syndicats à se mettre en grève pour défendre la rentabilité des chaînes commerciales : Elsan qui appartient au fond d'investissement américain KKR, Ramsay qui appartient à un groupe australien côté en bourse et à une filiale du Crédit agricole, Vivalto qui se vante de développer l'actionnariat des professionnels mais est  passé sous le contrôle d'un pool d'investisseurs dont un fond souverain d'Abou Dhabi et Almaviva qui appartient pour 60% à un fond Koweitien.

La financiarisation de la santé progresse à pas de géant, cliniques privées (autrefois outils de travail de chirurgiens ou de médecins ou de groupe familiaux), EHPAD - scandale ORPEA -, biologie, radiologie, dérive des centres de santé ophtalmiques et dentaires, GCS de droit privé au sein de l’hôpital public et remets en cause l’indépendance de l’exercice médical.

Enfin, certaines déclarations de Mr GARBI relèvent de l’intox, car selon le rapport de la DRESS, la situation financière des cliniques n’as jamais été aussi bonne.

« D’après les premières estimations pour 2021, la situation financière des cliniques privées à but lucratif continue à s’améliorer. Leur résultat net s’établit à 3,7 % des recettes, en hausse de 0,6 point par rapport à 2020. Il atteint ainsi son plus haut niveau depuis 2006, point de départ des observations. L’effort d’investissement poursuit sa reprise amorcée en 2019 et atteint 5,4 % des recettes en 2021. Le ratio d’indépendance financière des cliniques privées, en baisse continue depuis 2011, atteint 32,5 % des capitaux permanents. D’après les premières estimations, l’amélioration de la situation financière des cliniques privées, déjà constatée en 2020, se poursuit à un rythme encore plus soutenu en 2021 ».